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L'art difficile de la critique littéraire

Publié le par Jcpress

Il s'agirait, donc, de tirer une conclusion sur la littérature d'aujourd'hui, et bien que les Critiques ne manquent pas en la matière, je ne vois qu'un seul auteur qui pût en son temps apporter une incisive réponse aux questions que suscitent les nouvelles lettres françaises au sujet des œuvres littéraires actuelles. On peut, néanmoins, envisager le sujet d'une manière tout à fait différente en ce sens que la critique se doit d'être une imparable démonstration de faux et usage de faux, écartant ainsi les quiproquos qui pussent surgir d'un auteur mineur subrepticement empreint de spéculation littéraire au sein d'œuvres majeures, lues et étudiées au fil de lectures exhaustives ! Certains auteurs (France culture) refusèrent de lire trop d'auteurs de crainte d'en être inspirés, influençant ainsi leurs propres écrits ; c'est effectivement courir un grand risque que de lire incessamment et avec insistance le même auteur dont le style finit par influencer le lecteur, jusqu'à modeler sa forme d'écriture. En ironisant on pourrait interpréter chaque vocabulaire en correspondance avec une époque : le XVIII° siècle fut plus riche que le XIX° mais moins déterminant pour l'esprit de la langue que le XVII° siècle. Le XX° siècle s'est nourri de son passé en en retirant les conclusions qui s'imposèrent pour que la littérature survécût, cahin-caha ! La NRF hérita post-mortem des nouveaux auteurs instruits de leurs pairs et concourut à en valoriser cet esprit, en publiant des œuvres désormais entrées dans la postérité -les refus de manuscrits, cependant, lui coûta dans les relations mondaines : André Gide (il rejeta, entre autres, celui de Marcel Proust) n'étant pas étranger à ces erreurs de jugement intellectuel..! Pourtant les meilleurs livres de grammaires, aujourd'hui complètement disparus de l'enseignement réduit à l'utile et l'agréable, regorgèrent en leur époque, non seulement de citations d'auteurs majeurs et inscrits dans la reconnaissance littéraire de l'Académie (c'est cette institution qui a semé la désolation avec ses imposantes réformes administratives), mais des extraits de leurs œuvres, quand elle les citait en exemple, moyennant des passages éloquents de leurs ouvrages choisis pour leur richesse, sur lesquels s'étayait le travail exigeant de l'élève assidu ! On appelait ceux-là «les essentiels.» Bien sûr demeurent encore les «Lagarde & Michard» pour ceux qui ont oublié l'essentiel de leur leçon... Des passages et fragments d’œuvres y sont cités et mis en évidence de façon à entraîner l'étudiant à développer un engouement pour la littérature et, pourquoi pas, à l'égard de l'enseignement ! Ainsi conduit, dirigé vers le panthéon des Lettres, l'étudiant aura le cerveau bien fait, rempli de bonnes choses relatives aux matières qu'il devra affronter à l'Université pour poursuivre une carrière d'enseignant ; à défaut, il sera critique dans d'éminentes revues qui sélectionnent leurs critiques d'auteurs, d'après des critères électifs...et des ouvrages sélectionnés par un lien intéressé avec les Maisons d’Édition ! Le Magazine littéraire et Lire ont eu leur temps...de gloire !

Les bons écrivains n'ont jamais été des enseignants ! Trop imbus du savoir qui les sanctionne, de la connaissance qui réduit paradoxalement les capacités de la critique, ils se doivent de respecter les règles à la Lettre ! Ne pas s'écarter du format établi par l'institution professionnelle nourrie de l'éditoriale publication, est la base de leur méthode pédagogique pour apprendre aux élèves ce qu'ils n'ont pas complètement compris ! Alors étudiant en Lettres classiques à l'Université du Mirail, à Toulouse, j'assistais à une démonstration magistrale, dans l'amphithéâtre affecté à cet effet, de l’existence de zoophilie dans l’œuvre de Rimbaud ! L'enseignant en question inscrivait sa thèse dans cette vision intellectuelle que la modernité permettait à ceux qui en répondaient à titre de référence ! C'est là tout ce qui les empêche de franchir les interdits, d'oser les digressions littéraires et de se libérer de l'esprit collégial auquel ils sont astreints par mimétisme intellectuel, culturel, au pis artistique ! Ils n'écrivent jamais pour eux, mais pour leurs lecteurs, par soucis de complaisance ; en fait un véritable synopsis pour film avant-garde ! Le rébarbatif langage usité pour inculquer la matière, la parfaire, l'édulcorer afin qu'elle soit présentable...les a complètement anéanti de telle sorte qu'ils suivent le modèle de l'époque duquel l'enseignement retirera toute sa persuasion au cours de ses cours (une enseignante de Collège proposa à ses élèves de regarder le Cyrano de Bergerac joué par Depardieu ; hélas, tous les lettrés en ce domaine savent que le meilleur rôle encore jamais égalé fut joué par Daniel Sorano et non ce coquin incapable de jouer tous les rôles de son répertoire – l'enseignante qui n'a pas suivi le bon sens, nous l'avons compris, était une admiratrice de l'acteur) ! Ils se rassurent par cette acquisition institutionnelle qui leur reconnaît leur profession, selon le mérite et les accessits de satisfaction décrochés par les inspecteurs d'académie (encore elle!) ; ils radotent et finissent par rabâcher inlassablement une leçon sans y apporter un soupçon de critique de fond, en signe de comparaison qui répondrait à l'évolution schématique de la langue et notamment de son esprit, prédominant la contemporanéité ! Leurs ouvrages sont toujours im-pec-ca-bles ! Le mot y est juste, fade et attendu ! Le verbe occupe une place grammaticalement irréprochable, figeant les figures de styles, les subordonnées répondent spontanément aux principales sans élégance et les adverbes et adjectifs trouvent leur signification propre aux substantifs employés, en se privant de l'ambiguïté que pourrait provoquer un sens ambivalent, ne semant ainsi aucun doute sur le sujet proprement traité : bref, un véritable travail administratif livré par une secrétaire de direction que l'on peut sans vergogne imaginée vêtue en tailleur deux pièces de chez Courège, coupé sur mesure et sortant de chez le coiffeur. Jean Giono qui avait aidé son fils à une rédaction du niveau CM2 (autrefois classe de 7°) attendait impatient la note de l'institutrice. L'écolier obtint un 12 sur 20... J'ai été amené moi-même à lire un roman champêtre d'un auteur, pour un article de presse mineur sur son livre publié dans une Maison d’Édition de notoriété publique, parisienne en l'occurrence. Au dernier chapitre, je ressentis un essoufflement dans le dénouement de l'histoire. Plus j'avançais vers la fin, moins celle-ci semblait me réserver une conclusion heureuse, heureuse en son for intérieur, faute d'inspiration insuffisamment nourrie d'une imagination prodigieusement absente : la chute était presque préméditée en une espèce de happy-end à la française ; en soi un échec qui soulignait un essai, certes romanesque, mais manqué. Je compris que la littérature n'était pas au rendez-vous fixé par l'auteur lui-même qui demeurait dans l'expectative de la rencontrer peut-être un jour... Il était enseignant dans le secondaire...

La littérature qui nous intéresse, ici, ne se trouve point chez eux, ni dans les manuels tronqués des référents historiques aux dites Lettres, usités aujourd'hui ! Rassurez-vous, nous avons besoin plus que jamais d’enseignants, si possible des meilleurs, pour effectivement transmettre l'essentiel du savoir et de la connaissance, afin de corriger les déviations de l'esprit en l'étude, d'accompagner (pedagogus) l'élève dans son cheminement afin qu'il ne se trompe sur les réponses apportées à l'éthique instituée pour l'occurrence ! Le critère qui témoigne de cette pauvreté littéraire apparaît à chaque réforme scolaire de l'éducation nationale qui répond à des prérogatives politiques dont l'intérêt réside dans la suppression de matières qui épanouissent l'esprit, émancipent l'intellect, cultivent, instruisent et libèrent l'être de son conditionnement individuel !

D'un point de vue Critique, la littérature n'admet plus, aujourd'hui, de définition intrinsèque qui lui attribuerait des Lettres de noblesse encensées par une Institution reconnaissante à la patrie pour les services rendus à la littérature ! De Gaulle lorsqu'il refusa la grâce de Brasilhac, le traître à cette patrie, considéra qu'il avait plus qu'un autre mit sa plume au service de la collaboration, trahissant ainsi les Lettres françaises ! En outre, on comprend pourquoi Jean-Paul Sartre refusa le prix Nobel de littérature qui de nos jours est attribué à un chanteur populaire, soit-il une figure emblématique des générations hyppies, ayant apporté beaucoup dans les prises de libertés dévolues au peuple, mais rien, non vraiment rien à la littérature universelle.

Critiquer la littérature à travers ses auteurs encore présents aujourd'hui, relève d'une ambition qui frôle l'impudence ! Il faut, effectivement, être très audacieux, prétendre à la pertinence de cet esprit, voire insolent pour émettre un avis sur une œuvre, un auteur, en y recherchant les paramètres existants qui fourniraient des informations précises, incontestables et avérées sur le fond de l’œuvre composée avec concision ! -pour la musique, c'est pire ; puisque le plagia s'entend aux premières notes ! On sent l'influence de Bach dans Mozart ; mais Mozart est seul maître de sa musique.

Sainte-Beuve, auteur critique du XIX° siècle, n'a épargné aucun des littérateurs, comme le fit Denis Diderot dans les échanges épistoliers avec Dalembert, en appliquant son labeur d'exégète aux plus grands auteurs des siècles précédents le sien, Tacite y compris ! L'encyclopédiste déjà en son temps rappela les préceptes indispensables pour prétendre au titre de littérateur qui devait conjuguer dans son étude le Grec et le Latin conjointement, sans omettre la rhétorique. Sainte-Beuve reste inconnu du grand public et oublié des enseignants qui lui confèrent, sans doute à juste titre, un pédantisme raffiné qui ne convient plus à l'enseignement du jour dont la consécration de la littérature se résume à effeuiller des textes abrégés ! De ses "Portraits" et de ses "Lundis", classés en recueils, il ne faudra retenir que le style impétueux de la présentation des idées qui foisonnent en hyperboles ! Sainte-Beuve et le maître à penser des critiques avisés de la littérature contemporaine : Pierre Assouline a dit de Houellebecq qu'il n'était pas un écrivain ; alors que Philippe Solers lui reconnaît une plume de haute licence ! Bref ! Les avis ont toujours divergé, dérivant sur les côtes incertaines de l'Art, pour parfois s'échouer sur du néant...comme la vague sur le sable ! Amélie Nothomb entretient la psychose chez les femmes névrosées qui recherchent désespérément une seconde existence à travers un corps qui ne retrouve plus ses formes d'antan, mué sous les aspects d'un galbe devenu étranger à leur personne ! La littérature pullule de ce genre ! Pierre Daco, en son temps, servait les causes populaires souffrant de cette maladie moderne !

Le plus flagrant de ces trente dernières années (publié en 1996) fut «le bouquin» Truismes de Marie Darrieussecq, lequel n'était autre que le copié-collé intellectualisé de "Métamorphose" de Kafka (revu et adapté, bien entendu) ! Nonobstant, il reçut l'approbation des littérateurs de l'époque qui le couronnèrent de succès primé, en reconnaissance d'une idée révélée de génie insoupçonnée, en ayant transcendé la métempsychose de la bête ! C'est là que nous comprenons que de grands auteurs n'apportent rien à la littérature –Kafka ne se réécrit pas ! Imaginez alors les petits auteurs qui sont supérieurs en nombre, qui se bousculent, se jalousent et se disputent une place que leur assignent les élus de cette littérature, afin d'obtenir une reconnaissance contemporaine : ceux qui raflent les prix décernés sur des critères dont on ne peut plus apprécier la valeur, étant donné que la critique, ici, fonde son jugement sur une tendance sociétale répondant à une actualité dont il faut tenir compte, sous forme d'impératif conventionnel ! Non ! Le dernier Goncourt est une élégante et séduisante supercherie ! La littérature n'a reçu, à cette occasion, aucun enrichissement dans ses fonds baptismaux ! C'est vrai que le crû de l'année de ce prix était pauvre en écrivain ! Par contre, soyons corrects et sincères, ce livre en question est sans aucun doute intéressant, plaisant à lire et durera un temps ; le temps de le retrouver dans les vides greniers à 50 centimes d'euro ! Là, ma critique est incisive, sans pitié, dirions-nous, et condamnant sans appel possible ; puisqu'il s'agit de défendre la littérature ! C'est justement sur ce genre de procès d'intention disons-le comme il se présente, que les risques d'erreurs peuvent dévaloriser le travail de l'auteur qui, en soi, se contente d'écrire, sans pour cela viser un quelconque prix qui honorerait son écriture ! Il nous reste, toutefois le Michel Houellebecq, dévergondé, provocateur, une espèce d'histrion du spectacle issu de celui de Guy Debord, lequel a reçu qui le talent, qui le génie ! Et comme l'expliquait lui-même l'auteur de « Soumission », à propos de ses compositions poétiques « je ne vais pas refaire du Baudelaire ! »

Sartre refusa le prix Nobel de littérature sans mal, puisqu'il était issu d'un milieu bourgeois qu'il combattait tout en y étant intégré ! Tandis que Camus comprit que cette récompense universelle lui revenait de droit, puisque parti de rien, il avait plus qu'un autre, droit à une reconnaissance internationale ! A une espèce d'individu surenchérit de diplômes en l'espèce du sujet qui m'intéresse toujours, lequel individu me conseilla telle ou telle lecture, je lui répondit, tout en le considérant de mon regard couvé dans une compassion proche de la pitié, qu'il me restait moins d'années à vivre que celles que j'avais déjà vécues et que je n'avais pas terminé de lire et d'étudier Aristote, Plotin, Montaigne, Pascal, Taigne, Sainte-Beuve, etc. etc ; et que j'étais entrain de relire Emmanuel Bove uniquement pour le plaisir de lire. Je ne doute point que nos auteurs contemporains soient très intéressants mais que ne l'étant pas moi-même, je ne vois donc aucun intérêt à les côtoyer...de crainte de les ennuyer...

« J'ai certes mes vices et mes faiblesses ; mais c'est pour ce qu'il y a de bon en moi, pour mon goût de droiture, et pour mon indépendance de jugement que j'ai tant irrité de monde dans ma vie et que j'ai provoqué tant de colères. » Sainte-Beuve.

Jean Canal. 5 mai de l'an deux mille dix-sept.


 

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