Les yeux de l'amour.
Elle avait tout juste
dépassé l'âge de vingt ans. Elle étudiait des matières antinomiques avec mon idéal de vie et ne songeait qu'à s'ébattre dans sa pleine jeunesse. Elle fumait, buvait et aimait au gré des
rencontres occasionnées par des circonstances qu'elle organisait volontiers, plus par curiosité que par goût de provocation, comme le feraient les toutes jeunes adolescentes. Elle, elle était en
âge... En âge d'être aimée et de se garder le droit de ne pas forcément aimer. C'était son droit le plus absolu ; il ne fallait pas lui en tenir rigueur. J'avais tout de suite ressenti une
attirance l'un pour l'autre ; cela s'était formulé par l'agréable sensation qu'elle éprouvait à se tenir à mes côtés et parler avec moi, de tout et de rien, uniquement pour s'entendre, l'un et
l'autre dire quelque chose qui nous eût retenus l'un auprès de l'autre suffisamment longtemps pour aboutir à une union. Cela me plaisaît et j'en acceptais les règles.
Le moment de partir, de rentrer l'un chez l'autre, s'annonça par une envie ; et chez elle c'était occasionnellement chez moi ; puisqu'elle me prêta sa couche pour
plusieurs nuits, le temps que mon séjour prît fin.
Comme je m'étais endormi le premier, dans son lit d'une place, rencongné dans une chambre de neuf mètres carrés, elle se blottit contre moi, au creux de la nuit, pour rechauffer son corps, à demi dévêtu, quelque peu refroidi. S'étant collée contre mon dos, elle incita mon être à s'éveiller et réagir.
Ce sont ses seins que je sentis se coller sur mon buste, comme si elle me lançait un signe...
Et les seins des filles, pour moi, depuis toujours, c'était la partie du corps féminin qui me plaisaît le plus, avec les lèvres intimes que je baisais avec passion,
en de fervents instants interminables... Et celles qui avaient goûté à cette pratique de gamin, voulaient y revenir, comme je pus le constater, maintes fois...
Alors je lui fis face, à demi-éveillé, pour saisir ses lèvres que sa bouche entre ouverte m'offrait.
Et c'est à ce moment que tout a réellement commencé que tout fut significatif pour moi, surtout. Elle me donnait volontiers son corps, mais gardait son coeur pour un amour d'adolescence encore présent dans son esprit. Je n'étais pas jaloux, considérant la situation avantageuse pour moi qui viellissais.
Je ne dis rien. Je prenais ce qu'elle m'offrait. Je me pliais à ses règles de l'amour, de la sexualité et des conséquences sentimentales qui adviendraient.
Le lit d'une place recouvra sa fonction en ce sens que nous formions, au centre de la nuit perpignanaise, un seul corps fondu dans une entité unique.
En rentrant chez moi, en Haute-Garonne, je nourissais mes heures de celles qu'elle passa avec moi, en les multipliant au centuple afin d'assouvir ma passion encore en Elle.
Jean Canal à Perpignan.