La Provençale/ L'Escale.
Paul Cézanne avait
séjourné dans ce village, vers la fin du XIX° siècle. Par son pinceau, il fit l'éloge des caractéristiques architecturales modestes qui valorisaient innocemment les habitants de ce bourg
populaire. Il peignit les personnages qui ornementent encore aujourd'hui les cafés, dès l'aube ; verre de vin blanc posé sur les tables rondes, tasses de
café fumant à peine, cigarette enfumée qui se consume goutte à goutte au rythme des boissons et des verbiages coutumiers des ouvriers retr
aités de la mine. Trois immenses marchés y sont organisés chaque semaine. C'est celui du dimanche qui mobilise un grand nombre de marchands et d'habitants des lieux dits environnants. Trois poissonniers occasionnels s'y installent régulièrement pour liquider la totalité de la pêche. Une dizaine de cafés y siège en permanence avec une clientèle appropriée aux caractéristiques des appartenances culturelles, sociales et politiques. Connue pour y avoir hébergé quelques malfrats en cavale ou à la retraite, cette ville de banlieue, située au pied de la Sainte Victoire, accuse toujours des descentes de police dans les bars où traînent quelques anciens repris de justice, suspects... très vite innocentés que les flics relâchent après une garde-à-vue serrée !
Puis, il y eut le café de la gare, situé à proximité des voies de chemin de fer qui desservent essentiellement Marseille et Aix, jusqu'à Sisteron.
"Le matin, toujours fidèle à mes anciennes habitudes, vers une heure encore indue, alors que la nuit me lève avant la majeure partie de la population présumée endormie, je descends jusqu'au café où la belle Julie a déjà pris son service. Elle aussi se lève tôt, arrachée au sommeil duveteux de l'endormissement corporel. De légères cernes soulignaient joliment ses yeux francs. Elle me vit arriver, de derrière son comptoir qui la positionnait suffisamment haut pour qu'elle pût apercevoir le client que j'étais :
-Je vous sers votre noisette, bonjour ?, me demande la Belle dont je devine la pesante solitude de la nuit qui lui cause des insomnies..., lui provoque de tortueuses positions. »
-Oui, s'il vous plaît, dis-je en taisant à voix basse le mot 'Amour' que je lui clame dans ma pensée... »
« Oui ! repris-je passionnément, en lui déclamant mon amour : oui ! Je veux, lui dis-je en parlant à moi-même. Oui ! Je veux tout ! Le tout de Toi et tout en Toi ! »
Elle arrive donc, les hanches creusées par une taille affinée ; des seins volumineux aux proportions corporelles parfaites ; des cheveux suffisamment long pour y fourrager ses doigts et une bouche posée d'ores et déjà sur la mienne en d'interminables baisers savoureux. ô Julie ! : là, nous sommes maintenant allongés l'un à côté de l'autre, à demi-dévêtus ; je saisis alors son sein contenu dans la paume de ma main ; puis en portant son auréole à ma bouche, je tête cette mamelle blanche, jusqu'à une ivresse charnelle...
Julie est là, d'ores et déjà gravée dans mes souvenirs de Provence, comme la seule créature de rêves inespérés qui désormais ne s'achèveront. Et le matin, tôt, après cette romanesque aventure, lorsque les rayons du soleil ne sont pas encore perçus, c'est Julie, désormais, qui perturbe ma solitude...
Les mines qui ne furent pas passées inaperçues par Zola s'y élèvent encore étrangement, de façon intemporelle, en ce sens que quelque part les autochtones ont préservé une authenticité qui fait d'eux des gens accueillants. Toitures en tuiles rondes, façades ocres, persiennes entre ouvertes, volets de bois, linge aux fenêtres et balcons ; teint hâlé des peaux méridionales, accents portés à l'excès syllabique ; filles et femmes épousant les mœurs libérées de cette culture méditerranéenne. Et le curé engoncé dans ses habits de messe qui harangue ses ouailles, sur le parvis de l'église, le dimanche.
Jean Canal Mars 2012.
L'Escale.
«Âme impalpable de l'immortalité perpétuelle où se meut la pensée.» Jean Canal réflexion pour moi-même.
L’Escale. En passant par l'Estaque, une fois franchi le premier village sorti du bout du tunnel du Rôve, tout de suite le contraste s'accentue par la perspective qui soudainement se dévoile à perte de vue. La mer est là ! Bleue, posée sur l'infinie étendue de ses eaux. Située sur la droite du paysage rocailleux, elle siège sur la côte sans cesse conquise par l'urbanisme. Immeubles en béton érigés pour satisfaire une continuelle insuffisance de logements regroupés en des cités hors la loi ; infrastructures commerciales dévorant les rares écrins de verdure sacrifiés pour la gloire du consumérisme ; réseaux routiers saturés qui défigurent la garrigue ! Saint-Antoine, Saint-Louis, Sainte-Marte, autant de villages en banlieue qui résistent aux assauts du progrès dévastateur. Marseille ! Fin du voyage ! La gare Saint-Charles annonce ses arrivées et départs incessants ; elle décharge des passagers stéréotypés, caractérisés par la connexion permanente à leur mobile ! Ici, la conquête de territoires viabilisés s’étend au-delà des collines définitivement domptées au profit de l'urbanisme. Les monumentaux escaliers de la gare ouvrent les portes orientales de l'Afrique musulmane. Marseille ! Les ports envahis de bateaux jonchent cet itinéraire jusqu'aux Goudes, vaste désert aux criques sauvages toujours intactes ! C'est le lieu privilégié des marseillais, où quelques rares barques flottent aux pieds d'habitations traditionnelles appartenant aux siècles derniers. La route s'arrête ici, au bout de Marseille ! On sent bien que quelque chose de singulier va se passer, ici, sur les rives méditerranéennes de la cité phocéenne. Au fur et à mesure que l'on s'approche de l'hypercentre de la mégapole, les différents paysages se succèdent en complétant la construction de cette immense ville tentaculaire. Le Vieux port en devient la référence topographique. Marseille ! Ici, c'est le Mistral qui nettoie le ciel des impuretés occasionnées par la pollution fossile. Et comme il souffle pratiquement toute l'année, le ciel est bleu d'une couleur azur pallie par les dépressions atmosphériques dues à cette même pollution !
Marseille et ses cafés, les uns aux aspects louches où quelques figures notoires du Chemin de Morgiou tapent le carton au pastis 51 ! Marseille ! Des boulevards brassés d'individus aux couleurs ensoleillées ; Saint-Férréol, rue Paradis : des avenues luxueuses affichent des boutiques esthétiques du prêt à porter dernier cri ! Marseille ! La plage où trône la statue de David ; le Prado, avec ses putes du soir venues de l'Est. Marseille ! La porte d'Aix qui marque l'entrée dans la ville. Et le Panier ! Qui n'a pas visité le Panier, n'a pas vu Marseille ! Le quartier des voyous, à l'époque où le banditisme avait des codes d'honneur ! 1930 ! En bas de l'autre côté du Panier, se cache l’Évêché ; le fief de la flicaille ! C'est derrière la Mairie ; il faut franchir des escaliers qui grimpent à travers des ruelles typiquement méridionales. Marseille !
Toujours en arrivant des Arnavaux, les anciens dépôts de fabrique, où le Savon y était confectionné, lorsque l'on longe les quais situés sur la droite, la Joliette apparaît, comme une belle fille. Des bateaux d'embarquement y sont au port. Corse, Algérie et toutes les villes de la Méditerranée. Marseille ! C'est simple, riches ou pauvres, tout le monde parle le marseillais ; même les flics ! De temps en temps, quelques balles claquent dans des cafés, en terrasse et désormais, dans les cités interdites ! Là, des guetteurs, en avant poste, veillent sur le bon fonctionnement du deal : on peut entrer à la seule condition que l'on ressorte ! Infranchissable territoire pour les flics qui comptent plus sur l'opportunité que l'action coup de point ! Marseille ! On fume ! On boit ! Et on soutient l'OM : le foot sacralisé !