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Départ

IMG_0988---Copie.JPG"J'étais arrivé sur le quai désert de l'embarcadère, le baluchon en bandoulière et l'appareil photo en main libre, prompt à photographier un sujet. En franchissant le pont qui enjambait le canal des deux rives, je fus subjugué par une composition artistique mise en scène par des matières urbaines. La perspective qui se présenta alors à moi forma aussitôt une image que ma mémoire grava instantanément. Inutile de recadrer à la prise de vue, un véritable tableau évoquait ce passé que je recherchais, à travers le naturel.

Point de boutre en escale à Obock, où j'avais jadis séjourné, sur les bords incandescents de la Mer Rouge. Tous partaient, à l'époque, à Katmandou, aux Indes ou en Amérique du Sud. Moi, en dépit des recommandations de mon entourage, j'avais déjà choisi l'Afrique appelée Orientale ; celle de ces grands malades qui partent sans ne jamais en être revenus... Henri de Monfreid, Pierre Loti, Victor Ségalen et Arthur Rimbaud avaient considérablement modelé mon esprit, ma façon de voir le monde ; jusqu'à en défaire toute l'éducation originelle que j'avais reçue d'une famille véhiculant des concepts traditionnels, conservateurs et surannés ! De tout temps, l'envie de partir s'était manifestée en moi, sous des formes étranges révélées par des signes ostentatoires qui m'avaient ouvert la voie vers la liberté libre : celle des idéalistes ! J'appartenais de toute évidence à ces fous qui consacrent une vie entière à des aventures puériles, sans lendemain fécond et sans compensation humaine. J'étais donc de ceux-ci : une espèce d'original qui n'aurait cesse de se distinguer par lui-même, avec lui-même et enfermé dans une immense solitude fécondant le présent ; et cela au grand dam de l'animosité générale. Et c'est vrai qu'autour de moi s'étaient manifestées hostilité, haine formées sous les aspects de l'hypocrite jalousie entretenue sentencieusement par tous ces gens dénués d'honnêteté et privés de véritable valeurs. Les rares gens de culture que j'avais pu rencontrer, au demeurant fréquentés, étaient restés cependant fidèles à ma personne, en tant que relation particulière. Les autres, ils avaient, de façon servile, rejoint le comportement habituel que leur naissance leur avait assigné, comme par transmission atavique d'une entité séculaire. Le Comminges avait été cette terre où j'avais le plus rencontré ce genre d'individus, abrutis de surcroît, et atteints de profondes tares indélébiles. Même ceux qui se disaient artistes, là où on aurait attendu un comportement différent relatif à l'Art pratiqué, eh bien, ils affichaient une attitude mercantile qui d'ailleurs, ressemblaient étrangement à leur art. Nonobstant, la confrontation quotidienne que je provoquais intentionnellement avec les individus rencontrés au-détour de fortuites relations, apportait chaque fois une nouvelle idée de l'être, incessamment reconsidéré par moi. Toutefois une évidence certaine se révéla au fil des années passées à côtoyer des individus aux clones identiques, sans distinction aucune qui pût les différencier, les uns des autres. Mais l'heure n'était point à de vieilles rancunes qui se cultivaient épisodiquement, mais plutôt à ce départ que je n'avais point organisé. Insufflé par je ne sais encore trop quelle idée du voyage, cette initiative survint alors que l'envie de changer d'air se fit sentir. L'appel de l'ailleurs m'habitait en permanence ! Il se formulait en lieux différents n'ayant encore jamais été foulés par moi, ou bien tout simplement des endroits qui suscitaient le désir de curiosité. Ce ne sont point les bateaux qui m'attiraient, mais les ports et les éventuelles destinations qu'ils laissaient imaginer. Le départ était prévu pour le lundi suivant. Il ne suffisait qu'à moi pour quitter définitivement "l'Europe aux anciens parapets", comme l'écrivit Rimbaud.  " Jean Canal : "Départ" (extrait) 22/23 février 2012.

 

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