Les Quatre Saisons.
Les Quatre Saisons.
Chez Les Autres. (extrait de la Nouvelle mirapicienne.)
2 juin de l'an 2015.
Mirepoix et la rumeur publique.
C'est une des caractéristiques de la France et de son peuple que d'entretenir le vocabulaire de proximité. Pensez un peu, les gens s'ennuient, à défaut de recouvrer de véritables raisons d'exister. Ils disputent les sujets de l'actualité locale, lui ajoutant quelques histoires bien construites et obtiennent un événement d'actualité digne de figurer dans la presse. D'ailleurs, cette dernière n'évoque que parcimonieusement les faits en tout genre qui se produisent au niveau local !
Mirepoix 16 mai 2015.
Un froid vif s'est abattu sur toute la région ; cela faisait déjà plusieurs jours que le temps manifestait un changement climatique devenu désormais habituel. Les rares moments de chaleurs ressenties avaient provoqué un enthousiasme général chez la population locale qui s'empressait sur les terrasses des cafés, dans les jardins le long de l'Hers, vieille rivière qui descendait des montagnes ariégeoises. Les gens d'ici ne sont pas des natifs de souche. Le bourg où je vivais, ne ressemblait plus à ses habitants depuis des siècles, lesquels par contre se ressemblaient tous ! Laissant guère de prévisions clémentes pour les semaines à venir, la chaleur printanière des jours précédents n'était plus qu'une anecdote lointaine qui nourrissait des espérances déchues de lendemains meilleurs inscrits dans les perspectives estivales de l'été. Réveillé régulièrement par le bruit des clefs qui tournent dans la serrure d'une porte cauchemardesque, je me levais toutes les nuits aux alentours de trois heures pour lire écrire et écouter la radio, notamment France Culture. A demi-clauses mes paupières s'ouvraient sur le monde d'hier que j'avais laissé sur une feuille de papier noircie à l'encre, consignant ainsi tous mes écrits issus de mes inspirations. Je croquais mes contemporains de la plume, Sergent Major. Ce matin de bonne heure, je fis quelques pas dans la ville, endormie de ses habitants, fantômes momifiés par l'histoire du temps ! Sur le parvis de la cathédrale, où quelquefois je vais écouter les conversations des corneilles qui régulièrement se disputent un bout de pain, une place sur les arbres auprès d'une femelle, je vis passer, tout près de moi, une jeune femme jolie. Ses cheveux avaient la couleur des blés de juillet (j'avais envie de la prendre dans mes bras, de l'embrasser dans le cou et lui baiser les seins) ; elle me sourit, j'en fis de même en l'accompagnant du regard qui partit avec elle. Et quand elle fut très loin, je lui envoyai un baiser, soufflant celui-ci disposé sur l'extrémité de mon doigt tendu en sa direction : "bonjour mon bel Amour !" dis-je en rentrant chez moi, l'âme nostalgique... Je l'aurais bien invitée à partager mes lèvres, sur mon lit en noyer et sous le duvet de plumes d'oie qui me tient chaud l'hiver ; j'aurais couvert son corps de dix mille baisers...ne laissant nulle place qui ne fût comblée...Il est des matins où l'on a envie d'aimer quelqu'un plus qu'hier et moins que demain ; de se donner, de se consacrer, enfin, à l'amour. De rendre peut-être heureuse une femme qui semble abandonnée. Et si je la revoie passer, parce que je crois qu'elle est d'ici, je lui dirai singulièrement : "vous me plaisez... beaucoup !" à suivre.....
L'homme qui arriva ici un jour d'hiver prétendait être à la recherche de tranquillité, de calme et de paix. Ils s'installa près de la place principale qui portait le nom d'un Maréchal de France s'étant distingué au cours de la plus atroce boucherie guerrière de tous les temps. Il occupait un appartement à colombages daté du Moyen-âge, non inscrit au patrimoine communal, bien que cette demeure fît partie de la structure classée de ce bourg. Irrégulièrement, il allait de temps en temps donc, prendre une noisette dans le Café qui lui parut le plus à même de correspondre à ses écrits littéraires qu'il consignait depuis plus de trente ans, sur des feuillets épars, non classés, non datés et relevant de brouillons illisibles que lui même ne parvenait plus à déchiffrer ; d'ailleurs, il ne recopiait jamais ce qu'il avait écrit, mais reprenait l'histoire selon l'inspiration qui émanait de sa relecture en diagonale. Il n'était plus autant précautionneux qu'autrefois, quand il reconnaissait ses livres tous recouverts de la même couverture en papier kraft ! Il les citait sans hésitation, étant capable de référencer un chapitre à la page exacte ! L'observation avait été pendant longtemps l'étude de sa première aptitude intellectuelle issue des Sciences Humaines que le Maître lui avait enseignées. Inutile de poser de question pour déduire l'atmosphère du lieu livré incessamment à des conflits d'ordre personnel, ayant pour grief la rivalité ou la jalousie des hommes par rapport aux femmes ! Banalité en soi qui occupait la plupart des villages et bourgs de France et de Navarre ! A peine échangeait-il quelques mots, voire au pis quelques phrases, qu'il déduisait sans ne jamais se tromper (c'est ce qui était extraordinaire en fait), la valeur de la rencontre. Et cela était plus accentué chez les femmes avec lesquelles, il aimait s'entretenir. Ayant passé de longues années en leur compagnie, fort agréable, certes, elles n'avaient plus de secret pour lui qui leur vouait cependant une passion voluptueuse. Les rencontres, il en avait fait dans tous les milieux sociaux, jusqu'à avoir côtoyé l'aristocratie et le bas peuple, celui qui mange mal, qui est sale, grossier et sans éducation ; quant à l'instruction, ce peuple-ci n'avait que les réactions primaires pour exprimer ses sentiments ! Et l'entre deux qui couvre toute l'échelle sociale des parvenus aux nantis en passant par une pseudo bourgeoisie qui s'évertue maladroitement de singer la noblesse en s'accaparant des biens qui ne leur ressemblent jamais, il en avait fait une overdose ! C'est au fond de la littérature qu'il rencontrait les gens les plus beaux, les plus intéressants, les plus vertueux et les plus nobles d'esprit ! Les femmes lui apparaissaient telles qu'il les sublimait... Chez les autres, il se lassait d'une banalité éprouvée qui n'avait comme originalité que l'artifice qui s'en dégageait péniblement : une espèce de démonstration conforme à la forme générale de la société organisée autour de principes individuels distribués comme des rôles aux histrions du spectacle ! Puis, il était tombé amoureux d'une gamine de trente ans à peine, qui lui faisait tourner la tête, quand elle passait près du banc où il allait s'asseoir pour retrouver sa littérature. Il l'appelait mon Amour ! "Vous permettez que je vous appelle mon Amour, ô mon bel Amour !" lui avait-il écrit. Pourquoi choisir ailleurs celle que l'on a sous les yeux et que tous les hommes convoitaient en lui faisant briller un avenir florissant. ils se la disputaient, comme une marchandise. Les uns après les autres, la convoitaient avec des promesses qu'ils ne tiendraient jamais, au bout des années qui les attendaient. La Belle ne se pressait point pour conclure une relation durable ; elle hésitait entre la stabilité et les risques de se voir un jour abandonné pour une autre. Lui, il lui avait écrit plusieurs lettres restées sans réponse : "Je vous offre mon Amitié, ô mon Bel Amour !" Pensez un peu, la Belle n'avait que faire d'une amitié comme celle-ci. Elle le voulait pour la vie et désirait un enfant de lui. Et elle n'avait pas tort, car il faisait de très beaux enfants...lorsque ils étaient conçu dans l'amour absolu !
Un vide grenier sans objet.
"Les reflets non plus n'ont plus d'haleine."
"Au risque de se perdre, c'est surtout l'ombre dégrisée que je crains."
Un extrait très bref du texte issu de cette revue dans laquelle figurent des auteurs inconnus, sauvés pour la postérité par ce fascicule de 79 pages que SAVELLI leur consacre !
La Rencontre du vide grenier de ce samedi 2 mai, ne fut point celle d'une femme, fût-elle la plus jolie (dois-je la citer, en dépeindre les traits, évoquer d'ores et déjà son lointain souvenir et vous avouer que j'en fus follement amoureux* ? Non vous ne saurez plus rien ! ô les Rats de campagne !), ni d'un être exceptionnellement doté d'une remarquable intelligence qui m'eût enfin éclairée sur l'esprit humain (je l'eusse tout de suite perçu). Non ! Personne de ce genre, ici ! Le lieu, par contre, en lui-même, présentait une architecture qui valorisait le présent auquel le passé était indéniablement rattaché par les constructions plus importantes que le reste ! Le reste était cette forme par laquelle les autres se manifestaient pour la faire exister ! -Quoi ? -L'existence ! La revue que j'ai trouvée et payée cinq euros après avoir négocié son prix que la vendeuse voulait relever à une somme supérieure, comportait des auteurs des années 1960/1970. Comme toujours, je rencontrai des êtres avec lesquels j'avais un point commun : l'écriture. Celui que je parcourus le premier était celui que la jeune-femme me conseilla en m'indiquant la page quarante-huit où se trouvait un texte littéraire composé par son défunt père ! La revue en question intitulée Surréalisme 1 se voulait héritière du courant idéaliste de Auguste Breton, le fondateur du Surréalisme ! Le texte que je lus à haute voix devant la fille du maître qui l'avait écrit, nous remplit tous les deux de bonheur, quand elle me dit, après l'avoir terminé :
"On aurait dit mon père, en train de lire ! en vous écoutant, j'avais l'impression qu'il était-là, auprès de moi !"
Elle n'était pas jolie et cette disgrâce de la nature lui était involontaire ; mais elle était sensible à ma lecture et avait vu juste à la lettre prée... en feuilletant la Revue, cette nuit, je découvris des dessins, des photos et évidemment d'autres auteurs. Tous et Tout est réellement imprégnés de l'esprit surréaliste ! Nuit du dimanche 3 mai.
*Elle me quitta comme je l'avais pressenti avant même d'être avec Elle ; m'étant refusé à subir le pire en sa compagnie. Et comme je lui suis toujours fidèle ; lorsque je m'adresse à Elle dans l'intimité, je lui sussurre sur son épaule : "Mon bel Amour ! Que la vie te soit belle et qu'elle te comble jusqu'aux tréfonds de ton âme." Adieu, mon Bel Amour ! Ton souvenir efface tout ce qui auparavant constitua les archives amoureuses de ma mémoire. Je n'en veux plus d'autres. De t'apercevoir au loin de temps en temps me suffit... et quand tu n'es pas là que ta boutique jolie reste porte clause, mon coeur est triste...
Jean Canal.
Composé à l'état brut, ce texte ne devrait pas être repris en son intégralité pour en élaborer une Nouvelle qui s'ajouterait à tant d'autres. Il ne présente aucune valeur littéraire. Il est laissé tel quel ; voire abandonné à ses effets, ses retombées que la populasse en fera dans sa forme.., toujours dans une exploitation malsaine qui la caractérise. Jean canal veut suivre fidèlement sa pensée, sous forme d'écrits. Il est rare de nos jours de rencontrer des gens honnêtes qui inscrivent leur vie dans une attitude probe et noble ! Il existe deux courants humains relativisés par un manichéisme évident : les bons et les mauvais ! Le plus difficile, en tout a priori, est de les distinguer les une des autres...
Le rituel commençait vers les dix heures bien que quelquefois, la boutique restât fermée sans préavis quelconque. C'est aux alentours de cette heure que la Belle audoise arrivait, nonchalamment, presque heureuse de travailler et de vivre. Sa première démarche consistait à ouvrir l'unique et principale porte qui donnait accès à son échoppe. De chaque côté de l'entrée, une vitrine présentait l'essentiel de la vente, en mettant en valeur des sacs, des foulards et tous autres objets valorisant minutieusement le présentoir qui exposait les derniers cris de la mode. Le tout harmonieusement disposé en une composition poétique qui traduisait incontestablement les goûts de la Belle. Ensuite, elle sortait des chariots sur lesquels étaient superposés des cintres supportant des vêtements de haute couture. Robes, gilets et jupes donnaient le ton d'un prêt-à-porter de saison. Elle les plaçait à une distance suffisamment proche de la boutique pour qu'elle pût surveiller sa marchandise. Un passage entre ces présentoirs et l'échoppe était exigé de la part de la municipalité qui insistait pour laisser largement de place au citadins qui allaient et venaient en cet endroit. Abritée par les Couverts de l'architecture médiévale du bourg, elle jouissait d'un cadre qui se prêtait volontiers au commerce. La place formait un vaste triangle dont la géométrie ajoutait à sa surface sur son côté une Halle érigée au XIX° siècle. Les commerces étaient nombreux à avoir pignon sur rue. A proximité se trouvait un café où elle allait irrégulièrement prendre son petit crème sans croissant, contrairement à lui qui préférait la noisette, quand bien même aurait-elle eu un goût amer. De temps en temps, selon la température ambiante de l'air, elle s'asseyait sur un banc de bois situé juste derrière ses tréteaux, en vis-à-vis de l'échoppe, profitant d'un soleil à peine chaud qui semblait lui caresser le visage. Elle allongeait ses jambes fines et balançait sa tête en arrière laissant retomber sa longue et épaisse chevelure, livrant ainsi son jolie minois à la lumière chaude. Là, elle fumait sa cigarette en prenant une allure circonspecte de jeune femme libérée. Elle ne faisait pas montre de prétention ou de supériorité ; son tempérament a priori modeste ne rivalisait avec aucune autre femme du bourg. Elle se savait belle, mais n'abusait pas de ses atouts naturels. Quelques hommes évidemment l'ayant remarquée, s'étaient risqués à la courtiser, sans grande réussite néanmoins, même si quelques aventures sans lendemain étaient survenues suite à une envie passagère caractérisant les femmes qui ne peuvent en général la maîtriser ; elle désirait préserver sa liberté pour le moment, espérant que l'homme de sa vie apparaîtrait un jour, au détour d'une opportune rencontre. Cela faisait des années que les habitudes avaient pris racine chez elle, sans réellement apporter de changement radieux dans sa vie. Ce ne fut qu'au printemps de l'année en cours qu'un événement inattendu se produisit. La rumeur avait couru jusqu'à en apporter des histoires romancées, ayant été le fruit de l'imagination de chacun y allant dans des exagérations incongrues, voire immorales pour ne pas oser dire inventée de toute pièce. Les gens d'ici avaient la fréquente habitude de coller une image à chacun des premiers arrivés. Tous, sans exception, avaient eu droit à une nouvelle identification. Un voisin, un locataire ou encore un nouveau commerçant devaient répondre de leur identité afin d'être d'abord tolérés par les plus anciens et ceux qui avaient pouvoir de décision, puis par la suite, acceptés à titre de compatriote, sans ne jamais prétendre au titre honorifique d'autochtone ! Toutes ces suspicions qui se hasardaient à dépeindre en aparté les uns et les autres, finissaient par créer réellement une histoire individuelle, adoptée par tous, en dépit de rechercher la vérité qui les aurait rabaissés à un état peu enviable. On ne rencontrait guère de gens véritablement intéressants qui se distinguassent de la communauté ; le fait de vivre ensemble avait fini par les happer en les assimilant les uns autant que les autres. Il suffisait d'entendre une conversation pour en déduire l'atmosphère générale qui se dégageait. En les regardant vivre et mimer quelques attitudes empruntées, il dévoilaient nûment leur personnalité inexistante !