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En songeant à un autre

Publié le par Jcpress

«Une autre chose m'étonne, c'est que les hommes en général, faisant tant de bassesses pour vivre, on ait intéressé la morale et la religion à la proscription d'un acte qui peut être quelquefois, à la vérité, l'effet d'un aveugle désespoir, mais qui bien souvent aussi est l'explosion d'une âme généreuse indignée du monde, fière de sa céleste origine et amoureuse de son immortelle dignité. » Alphonse Rabbe. 'Œuvres Posthume'. 1836.

Quel est donc ce besoin impérieux qui animent les êtres et les incitent souvent à accomplir leur dessein, à contre-courant des idées générales qui président à une suprême démocratie vieillissante, au fur et à mesure que l'évolution de la pensée en rejette les fondements et ne se reconnaît plus dans ses origines et ses changements historiques ?! Les valeurs fondatrices de la démocratie sont-elles tout simplement obsolètes ? Comme la laïcité qui divise les libertés d'expressions religieuses et favorise leur sectarisme, la démocratie est confrontée à son immobilisme institutionnel, figeant les libertés, en les astreignant à des lois étatiques qui privent le citoyen de sa simple existence au centre de la collectivité. Il faut penser en silence, retiré en son antre. Depuis Périclès, deux mille cinq cent ans (vous corrigerez si la date est erronée) se sont écoulés en effectuant une pause de mille ans, le temps de reprendre le souffle de la pensée moderne, incarnée par l'audace des intellectuels, héritiers de l'esprit antique -allusion sous-jacente aux Lumières !

Pourquoi citer en préambule Alphone Rabbe, relu en cette rare occasion, que plus personne ne lit et que France Culture boude dans ses salons littéraires tirés à hue au profit de dia...* Bref ! Pour ceux qui l'ont lu, comme Victor Hugo qui composa un poème à sa mémoire (il mourut à quarante-six ans), Alphonse Rabbe se rapproche incontestablement (et j'espère que les exégètes de l'enseignement supérieur, s'entend, corroboreront cette idée évidente) de Soren Kierkegaard. Nous n'évoquerons rien de l'auteur du Concept d'angoisse, vous renvoyant à d'éventuelles lectures sans espoir que vous vous y donnassiez exhaustivement...N'abdiquez point à la liberté, vous ne sauriez vous en servir !

C'est en fait, avouons-le (la guillotine ayant été abolie, il n'y a aucun risque de révéler ses sources, du moins en partie) la revue la plus intellectuelle, Esprit, qui me fit cogiter sur une de ces lectures effectuée à travers un article tiré de son Éditorial de janvier-février, duquel nous vous invitons à retrouver l'origine. Un peu d'effort vous conduira vers l'essentiel de la littérature philosophique, morale soit-elle trop dédaignée, sous couvert qu'elle exige une faculté intellectuelle agrégée au savoir universitaire ; ce qui est faux, évidemment. On peut, ici, rejoindre un fragment des Pensées de Pascal qui convoqua son for intérieur pour le jugement de l'âme, la sienne, en ses quelques mots libellés par son esprit et qui conviennent à Alphonse Rabbe : «Et à défaut d'aimer les autres, il s'est aimé lui-même à l'infini... » 

C'est ainsi que s'est élevée la vieille Europe (par parenthèses : aux anciens parapets-Rimbaud) jusqu'à en chasser sa propre histoire devenue secondaire dans des projets de modernisation sociale, et cela afin de libérer la mémoire collective d'encombrants qui eussent privé le vaste progrès de son expansion contemporaine ayant pour objectif d'éradiquer de cette façon de la place publique, tout ce qui puisse freiner son irréversible avancée! Il y aura cependant, comme ce le fut au cours de cette même histoire, des garants du passé ; lesquels exhumeront de ces décombres les valeurs qui ont fait cette nouvelle Europe. Elle est aujourd'hui disputée sur ses fonds baptismaux où les états reçurent la promesse éphémère de vivre sous le consentement de la paix, paix sociale et consensuelle, inespérée et tant attendue des peuples. La commémoration devient une simple formalité conventionnelle que les jeunes générations respectent sans ressentir le besoin de vénérer, au nom des aïeux décimés durant les guerres du XX° siècle (les plus meurtrières) notamment, leur mémoire. Peut-on en vouloir à un jeune très préoccupé par son avenir incertain de ne pas s'accorder un instant de réflexion sur le rôle que ses ascendants ont joué durant des années d'échecs politiques, d'erreur militaires et de terreurs entre les hommes ? Le 11 novembre n'est plus qu'une date lointaine pour que s'en souvienne cette jeunesse fraîchement émoulue. Les symboles contemporains changent selon les conjonctures qui dépendent toujours de l'opinion de quelques uns.

Alphonse Rabbe appuie ses écrits sur les lectures faites en amont de ses réflexions de rédactions littéraires, formulées en « l'Album d'un pessimiste » qui n'intéressera que les érudits de son temps, lui ayant reconnu son indéniable admission à la postérité. C'est un couronnement en soi, tel qu'il eût voulu sans doute que l'époque l’accueillît : avec honneur et mansuétude illustrant son œuvre esseulée par cet extrait de Montesquieu cité dans son ouvrage :

« L'homme n'a de garantie certaine de sa liberté qu'autant qu'il sait se dépouiller de son existence. Que le mépris de la vie uni à la faculté d'en disposer, comme on le veut, en tous lieux et à toute heure, est la source la plus féconde de l'indépendance, et le gage certain d'une invincible fierté. » Montesquieu.

Jean Canal. 2 février 2018.

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